· Un projet de code clarifiera les engagements de la chaîne · Après le diagnostic, l’Habitat lance la consultation · La loi sera prête au plus tard dans un an, promet le ministère La première version du code de la construction sera prête dans un an. C’est l’échéancier que s’est fixé la direction de l’Habitat et de l’Urbanisme. Il n’est pas le seul texte de loi à retenir l’attention des professionnels de l’immobilier. Promoteurs, architectes, bureaux d’études, topographes… suivent de près le paquet de projets de loi en cours de préparation. Hayat Sabri, directrice technique de l’habitat, cite à ce titre le code de l’urbanisme tout en précisant que «d’autres textes arriveront en 2011-2012 pour étoffer l’arsenal juridique». Et souligne, à bon entendeur, que le futur code de la construction se veut «progressif» et compte instaurer «sécurité et qualité».Les ménages dont les habitations ont été inondées la semaine dernière à cause des défaillances de l’étanchéité des toits de leurs immeubles jugeront aux actes. A qui devraient-ils aujourd’hui se retourner pour obtenir réparation des dégâts subis? Au promoteur? A l’entreprise de construction? Au bureau d’études? A l’architecte ou à toute la chaîne, y compris administrative, des acteurs qui sont intervenus sur le projet? C’est à cette dilution des responsabilités, entre autres, que le futur code de construction veut s’attaquer. Du moins, on l’espère. Car, en la matière, il faut rester prudent car le processus exige de la détermination politique. Au lendemain du tremblement de terre d’Al Hoceima, et l’émotion qui s’en est suivie, il avait été décidé de durcir les sanctions contre les «combines» qui gangrènent l’acte de bâtir. Quelques mois plus tard, le gouvernement avait reculé sous la pression des lobbys au Parlement.Le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme insiste cette fois-ci sur la concertation. Si le projet de loi acquiert dès le début l’adhésion des professionnels, cela permettrait de lui éviter des obstructions au Parlement. Présenter donc un texte sur lequel il y a consensus le préserverait d’inutiles amendements. Certificat de conformité: Il y a eu évidemment chez les promoteurs des voix dissonantes. Pour qui, introduire le terme «ingénieur spécialisé» risque de diluer les responsabilités. Certains bureaux d’études estiment qu’ingénieur «spécialisé» est une qualification fourre-tout (béton armé, électricité…). D’autres insistent pour que le rôle des topographes, et donc leur responsabilité, soit traité à sa juste valeur. «Le foncier demeure un problème épineux», arguent-ils. Ne serait-ce qu’au nombre de litiges auxquels donnent lieu la propriété d’un terrain. Le rapport de diagnostic a été qualifié aussi «d’étalage de lois propres à chaque profession». Toutefois, certains promoteurs ont demandé à ce qu’il y ait «moins de gens qui commandent les chantiers». Avoir un interlocuteur unique permet de résoudre les problèmes plus rapidement. Face à la multiplicité d’intervenants, le ministère précise: «L’architecte et les bureaux d’études sont les principaux acteurs. Les autres sont des supports». Az Al Arab Benjelloun, architecte de profession, suggère de «revoir la forme sociale des bureaux d’études. Car, en cas de problème, il est difficile de définir les responsabilités». Si la proposition est retenue, cela va permettre au moins d’avoir un interlocuteur unique à la place de plusieurs ingénieurs. Et ceci au moment où «les assureurs ne garantissent que les prestations, mais pas les acteurs (architectes, ingénieurs et entrepreneurs…)», note un professionnel. C’est d’ailleurs l’un des points que la 2e phase du rapport doit préciser. Garantir les dégâts passera nécessairement par une assurance obligatoire. Mais à condition de «définir les règles de contrôle technique». Il va falloir au préalable répondre à deux questions: comment les rendre à leur tour obligatoires et quels seront les projets éligibles? Le ministère de l’Habitat travaille de son côté sur le règlement général de construction. Il n’existe pas encore, mais le futur code de construction doit y faire en principe référence. D’autres appellent à l’instauration d’un cahier de chantier. Chaque intervenant y sera identifié. Ce registre auquel sera joint un contrat d’assurance pourrait être mis à la disposition de la commune ou de l’agence urbaine. Là aussi la responsabilité des autorités administratives doit être mieux délimitée. Qui signe les actes administratifs? Qu’il s’agisse du permis de construire ou du permis d’habiter. L’essentiel est qu’à la fin des travaux, une attestation de conformité soit signée par tous les acteurs du chantier. Cette pratique déjà courante pour les travaux publics commence à se frayer un chemin dans le privé. Il va de soi que ce document équivaut à un engagement de responsabilité civile et pénale. Ce qui se traduit en cas de préjudice par des dommages et intérêts, voire la prison. L’architecte va là aussi jouer un rôle central. C’est lui qui va délivrer une attestation de conformité globale. Sur le plan juridique, cela pousserait vers une responsabilité en cascade. C’est la voie qu’a empruntée la jurisprudence française notamment. L’association marocaine de protection des consommateurs appelle à ce que «les promoteurs respectent le plan d’aménagement». Son représentant, venu tout droit de Marrakech, évoque le cas des plaintes reçues de la part des copropriétaires de la résidence Dar Saâda. Ce sont 150 appartements qui, selon lui, se sont retrouvés à la fin des travaux «sans école notamment et les équipements publics ayant été bâtis sont restés fermés»! Cette affaire court depuis sept ans déjà. D’où d’ailleurs son interrogation sur le degré de la légalité des dérogations accordées par la commission extraordinaire des wilayas. Des dérogations qui ont en fait une validité de six mois. Au-delà de ce délai, elles ne sont plus valables. Qui fait quoi: Rachid Khyaty, président de la commission normalisation et développement durable à la FNPI, relève que l’acte de bâtir souffre d’abord d’un «manque de traçabilité des ordres de service…». Les responsabilités des intervenants ne sont pas par conséquent clairement établies. En cas d’incident, «tout le monde y passe». A commencer par l’architecte qui est le premier et le dernier à mettre les pieds dans un chantier. Juridiquement, il est donc le 1er à rendre des comptes. Rappelons-nous le terrible effondrement d’un immeuble en construction en janvier 2008 à Kénitra. Près d’une vingtaine de personnes y ont péri. Cet accident est toujours présent dans les esprits et a été à plusieurs fois cité par les professionnels: l’imprécision des missions des différents intervenants diluent les responsabilités. Le futur code de construction compte clarifier ce point par un référentiel administratif, technique et juridique. Et où chaque acteur du chantier identifie ses actes: autorisations, plans, métrage, grands travaux, électricité, plomberie... La contractualisation de chaque intervention permettra de définir encore mieux les cas où une garantie décennale entre en jeu, la prévention des risques, l’étendue de l’assurance… D’un autre côté, la future loi a de fortes chances de tirer vers la légalité ceux qui sont dans l’informel. Du moins les artisans ou «promoteurs» qui prétendent à des marchés dans des chantiers dits «conventionnels». Le secteur de la promotion immobilière «souffre encore de carence», selon la direction de l’habitat. C’est pourquoi le ministère parle d’ailleurs de «code évolutif» et «d’acte de construire conventionnel». Puisque «l’informel n’est pas concerné». Le rapport de diagnostic a justement établi un listing des lois existantes tout en relevant les lacunes. La seconde partie tentera de «proposer un système alternatif de responsabilité», précise une représentante du ministère. Le document détermine aussi les intervenants du chantier: architecte, ingénieur spécialisé, ingénieur topographe, bureau d’études, laboratoire d’essai géotechnique, assurance. Il définit aussi le processus de construction. Des propositions ont été formulées afin d’éviter les dysfonctionnements. France, Espagne, Royaume-Uni et Allemagne sont les pays qui figurent dans le benchmark établi par les experts. Sachant que le volet juridique a été réalisé par un cabinet d’avocats français. D’autres intervenants travaillent sur ce projet, tels que le Laboratoire public d’études et d’essais (LPEE), le cabinet d’architectes Begdouri… Légiférer en ignorant les spécificités du marché reviendrait à produire un code-mort-né. C’est pourquoi le benchmark sert d’abord d’indicateur. Il y aura des «adaptations au contexte marocain», assure le ministère de l’Habitat. Il faut noter aussi que ce projet de code ne date pas d’aujourd’hui. Espérons que cette fois-ci ça sera la bonne! Consultation des professionnels Le ministère de l’Habitat «mise sur la concertation» pour faire aboutir le code de construction. Un exercice auquel il s’est livré, lundi 29 novembre à Casablanca, avec la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). L’Economiste a été partenaire de cet événement. Cinq ateliers ont été organisés et chacun d’eux devait remettre à la fin des recommandations. Chacune est liée à un volet particulier auquel le futur code compte s’attaquer : actes de bâtir, matériaux de construction, procédés de construction, bilan des risques et sécurité dans les chantiers puis contrôle et sanctions (voir page 6). Soulignons au passage que chaque atelier comptait, à part un modérateur, des cadres du département de l’Habitat. Bien avant, une première réunion de consultation s’est tenue le 12 octobre dernier avec les professionnels. Le texte législatif en cours d’élaboration a vu sa 1re phase validée, celle de la méthodologie. Il entame donc la 2e étape, celle du diagnostic. C’est ce rapport, déjà remis au ministère, qui a été soumis à la FNPI et qu’elle a soumis à son tour à ses adhérents. Ce qui n’a pas empêché pour autant des représentants de bureaux d’études, d’architectes, protection civile et même ceux d’associations de consommateurs de donner leur avis. Par Faiçal FAQUIHI Source l’Economiste du 06/12/10
Code de construction : L’irresponsabilité à tous les étages